Billy Wild, le joyau graphique qui a révélé Griffon

Billy Wild - Céka & Griffon


Billy Wild - dont les deux livres désormais réunis en intégrale ont été publiés en 2007 et 2008 chez Akiléos - a quelque chose de très contradictoire.


Le premier jugement, immédiat, spontané, est résolument à son avantage : il s'agit d'un joyau graphique, une véritable splendeur funèbre, dans laquelle Guillaume Griffon a jeté les bases de sa série Apocalypse sur Carson City, chef d'oeuvre en cours dont il a publié 5 tomes depuis 2010 et dont on attend le 6e et dernier (voir notre encadré plus bas). Mais en 2007 et 2008, Griffon était inconnu, Apocalypse sur Carson City n'existait pas, et Billy Wild déboulait alors en frappant les esprits, par son dessin blanc-noir et ciselé, novateur, non conventionnel, désormais reconnaissable au premier coup d'oeil. Avec son noir d'encre, ses gueules monstrueuses typées Freaks, ses corps difformes et nauséeux, son souci de l'hyper-détail et son trait taillé au ciseau à bois, Griffon nous flanquait un coup à l'estomac.

Sous la directive scénaristique de Céka, il jetait sur le papier un western à la fois indolent et oppressant, peuplé de personnages aux trognes rebutantes, où un jeune garçon de ferme nommé Hans Güt, peu à son avantage, raillé et harcelé, faisait la rencontre de Linus, un médecin ambulant qui, le premier, lui accordait la faveur de son secours et de son estime.

Billy Wild se compose de deux livres :

1. Mais où est donc Linus? (2007)

2. Le 13e cavalier (2008)


Linus lui offrait sa protection bienveillante et lui donnait accès à l'élixir d'invulnérabilité qui le transformait en Billy Wild, chasseur de prime insensible aux balles, victorieux de plus de 200 combats.


Lorsque s'ouvre le 1er tome de ce diptyque, nous n'apercevons pas encore tout à fait cette trame : nous prenons  Hans Güt, alias Billy Wild, en cours de combat ; il a perdu de vue un certain Linus depuis un moment déjà, et il commence à perdre de son pouvoir, qu'on identifie comme une forme d'invincibilité ; aussi lui faut-il retrouver ce Linus au plus vite, et l'on comprend qu'il y a là une histoire d'élixir. C'est au fil de cette quête que les circonstances de leur rencontre et de leur pacte sont dévoilées, par flashbacks successifs, au gré d'un tempo assez alangui qui aggrave le sentiment d'oppression, d'obscurité et de mystère. Car à la question "Mais où est donc Linus?" se superpose inévitablement celle-ci : "Mais qui est donc Linus?"

Ce 1er livre très bien conduit montre le lien énigmatique qui unit Billy à Linus, au gré d'une recherche flegmatique mais indispensable entrecoupée des flashbacks nécessaires à la compréhension des événements. Avec un beau cliffhanger, fin à suspense pleine de promesses, suscitant l'impatience d'aller au tome 2.

De l'aveu de Griffon, Céka lui aurait donné davantage de liberté dans le 2e livre, lequel confirme la splendeur graphique du diptyque. Griffon fonctionne comme s'il tournait un film, il découpe ses plans et a ainsi la particularité d'allonger le nombre de cases à consacrer à un (non-)événement ; aussi peut-il étendre sur 3 pages ce qu'un autre aurait fait tenir sur 1 seule.

Toutefois, passé le coup de l'émotion esthétique, la déception peut l'emporter devant un dénouement un peu faible et chétif. Les promesses lancées par le 1er livre s'effritent devant la vérité finale. Ce dénouement n'est certes pas mauvais, et il en satisfera certainement, d'autant plus qu'il est porté par le dessin de Griffon, mais il manque de consistance et d'originalité.

Apocalypse sur Carson City

Depuis 2010, Guillaume Griffon est l'auteur, seul, d'une remarquable série qui s'inscrit avec jubilation dans l'univers zombie. Il déroule sur 6 tomes (5 tomes déjà parus) un scénario qui, pour n'être pas spécialement complexe, est néanmoins incroyablement enchevêtré. Son traitement du thème est totalement désaxé et correspond à la tendance de l'humour zombie. On y retrouve le graphisme déroutant, macabre et psychotique qu'il met en oeuvre dans Billy Wild, mais il sert cette fois librement son propre scénario. Il y multiplie les références cinématographiques et les pseudo-citations ; les albums sont d'ailleurs présentés comme des tournages de films, et les personnages ont droit à leurs fiches de rôle. La monstruosité des personnages et des événements peut rebuter, mais elle est surtout diaboliquement drôle.


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On aurait voulu se faire couper le souffle. On perd un peu haleine, en effet, à force de combats et de bains de sang, mais il n'y a pas le choc attendu. Le déroulement est certes bien conduit, inexorable, guidant Billy Wild vers une vengeance effroyable. Mais le scénario part vers des histoires d'Apocalypse, de satanisme, de mission commandée contre George Washington... La trame se révèle un peu trop simple et l'album tourne davantage à l'exercice de style graphique, dégoulinant de tripes et de sang. Les personnalités de Linus et de Billy ne prennent pas de volume.

Le diptyque Billy Wild reste cependant magnifique à voir, et se pose comme annonciateur de l'oeuvre en solitaire de Guillaume Griffon.


Billy Wild, l'intégrale

Scénario : Céka

Dessin : Guillaume Griffon

1re publication : 2009

Editeur : Akileos

Prix public (2015) : 26 euros

 

1. Mais où est donc Linus?

1re publication :  2007

 

2. Le 13e cavalier

1re publication : 2008



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