Pourquoi il a tué Pierre...

Pourquoi j'ai tué Pierre - Alfred & Olivier Ka

 

Cet album est l'histoire d'un meurtre symbolique, intérieur et nécessaire.

Cet album est un meurtre symbolique, intérieur et nécessaire.

Pourquoi j'ai tué Pierre est le récit d'Olivier, personnage qui emprunte ses traits et sa vie à Olivier Ka, l'auteur scénariste, qu'on suit au gré des différentes étapes de son existence.

C'est le récit d'une vie, ou plutôt c'est le suivi d'une parcelle de vie, à différents âges, parcelle au centre de laquelle pousse un arbre devenu gênant, encombrant, occultant. Cet arbre à l'ombrage étouffant, il faut accepter de le voir, d'en percevoir l'importunité, et de l'abattre.

Cet arbre, c'est Pierre. En vérité, c'est un Panturle, un gros bonhomme au physique d'ogre gentil, un type massif au doux regard, barbu comme un gypaète et ventru comme un nounours. Pierre est un curé de gauche, devenu l'ami des parents d'Olivier, lesquels sont libertaires, athées et progressistes ; ils s'accommodent plutôt bien de l'amitié ce curé soixante-huitard et baba-cool, qui ne parle pas de religion avec eux et qui contente tout autant les grands-parents d'Olivier, quant à eux catholiques convaincus et soucieux de l'éducation religieuse du petit.


Olivier est pris dans ces contradictions, dans cette tension latente, peu perceptible, non dite, entre deux générations familiales qui s'opposent sur leur conception de l'existence, du moral et du métaphysique. Au milieu, Pierre le débonnaire fonctionne comme un médiateur involontaire. Il concilie les deux extrêmes, chaque "couple" (d'une part les parents, d'autre part les grands parents) pouvant lui confier sereinement l'amitié d'Olivier. Et Olivier aime vraiment beaucoup Pierre, qu'il admire et qu'il est heureux de côtoyer.


Mais le titre de l'album puis le titre de chaque chapitre (ainsi que le profil de Pierre en couverture) laissent pressentir le basculement dramatique. Olivier tuera-t-il Pierre, pourquoi, comment?

Attention, la partie de l'article dans l'encadré révèle des éléments de l'album que vous ne désirez peut-être pas connaître avant de l'avoir lu. La fin n'est cependant pas dévoilée.

 

Pierre commet un jour l'acte qui corrompt l'amitié que lui porte Olivier. Lors d'une colonie de vacances, Pierre procède à des attouchements. Si Olivier ne perçoit pas forcément l'aspect illégal de ce geste, il comprend néanmoins qu'il n'est pas approprié entre eux. Il provoque une cassure psychologique, qu'Olivier ne mesurera qu'au fil des années. En grandissant, Olivier prend conscience du traumatisme subi et s'aperçoit que sa vie est entravée par cet événement. Sa libération et sa reconstruction passent donc par le meurtre, symbolique, de cet homme qui l'a blessé. Il s'adjoint les services d'Alfred (qui est aussi, donc, le dessinateur de l'album) pour partir sur les traces de son passé.


Cet album est le suivi d'une parcelle de vie, mais aussi d'une parcelle de culture générationnelle. La famille d'Olivier cristallise la tension entre d'une part le bloc progressiste et majoritairement athée, du moins affranchi des dogmes religieux, et d'autre part le bloc attaché aux cultes et aux traditions religieuses ; et c'est cette tension qui a en quelque sorte autorisé le contexte de cette histoire-là ; c'est cette tension qui, en partie au moins, paralyse Olivier et c'est cette tension qui a fini par lui sauter aux yeux ; c'est cette tension qu'il mesure et qu'il met en lumière. Il fallait bien s'apercevoir qu'il était serti entre deux systèmes de références et de valeurs contradictoires. Et Pierre au milieu.


 Pourquoi j'ai tué Pierre

Scénario : Olivier Ka

Dessin : Alfred

1re publication : 2006

Editeur :  Delcourt 



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