Exploration nécrophile

Nécrophilie, un tombeau nommé désir - Patrick Bergeron


La collection Borderline des éditions Le Murmure confie à ses auteurs l'exploration - sous forme de petits essais, courts et rapides à lire - de thèmes à la marge, déjantés, tabous ou pop. Et si certains de ces sujets peuvent sembler glauques, leur traitement ne l'est pas. Naturellement, il faut être doté au départ d'un état d'esprit plutôt relax, détendu et ouvert. Ou alors être directement concerné par le sujet.  En l'occurrence, l'essai de Patrick Bergeron s'intéresse, en principe, à un phénomène statistiquement rare et marginal, mais immuablement tabou, et communément considéré comme abject et répugnant : l'attraction sexuelle pour les cadavres, qu'ils soient fraîchement dépourvus de vie ou carrément putréfiés.

Dans une époque de libération des tabous liés au désir et au plaisir charnel, et où les sujets sexuels émoustillent les esprits à longueur de journée et de soirée, la nécrophilie reste en dehors de l'érotisme acceptable. Bien que son statut criminel ne soit que très vague (peut-on parler de viol sur un cadavre, et si oui, est-il équivalent à un viol sur un être vivant? peut-on offenser un corps humain qui ne s'appartient plus?, etc.) , elle est moralement choquante pour la grande majorité.


Pourtant, elle traverse l'histoire, la mythologie et la littérature. D'ailleurs, elle ne s'y aperçoit pas toujours dans sa forme la plus répugnante, et Patrick Bergeron rappelle à cet égard qu'on peut distinguer plusieurs formes de nécrophilie, dont l'une semblera probablement moins insupportable : à côté du nécrophile ordinaire, qui tire son plaisir banalement par la relation charnelle avec les cadavres sans avoir provoqué le trépas et qui donc doit développer des stratégies pour se procurer ses macchabées ; à côté du nécrophile glouton, qui pour jouir ajoute à cela des rites d'anthropophagie et/ou de dépeçage ; à côté encore du nécrophile assassin qui prépare lui-même ses partenaires en les tuant, et souvent en leur faisant subir des tortures et des actes de cannibalisme, on trouve aussi le nécrophile accidentel, celui qui ne cultive pas ce goût dans sa vie habituelle et qui s'y trouve généralement confronté par un deuil impossible à surmonter, celui qui étreint, caresse et davantage encore la dépouille de l'être aimé qui vient de trépasser, comme pour empêcher son basculement dans le néant, comme pour profiter encore de ce qui subsiste de cette vie achevée.


Ce dernier cas de nécrophilie, s'il reste écoeurant pour la plupart, suscite néanmoins davantage de compassion et d'empathie, en principe : on a l'intuition de quelque chose qui confine au sublime, dans ce déni du décès ou dans cette fusion de la mort et de la vie par l'amour qu'on veut éterniser.



Nécrophilie, un tombeau nommé désir

Auteur : Patrick Bergeron

1re publication : 2013

Editeur : Le murmure

Collection : Borderline



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