28, Barbary Lane : adresse mythique

L'écrivain américain Armistead Maupin s'est rendu mondialement célèbre par son cycle des Chroniques de San Francisco. Cette série de romans a commencé à s'importer en France en 1994, seize ans après la publication du premier tome aux Etats-Unis et dix-huit après la naissance des premiers personnages de la saga dans le San Francisco Chronicle, ce quotidien dans lequel le jeune Maupin fut chargé de conduire un feuilleton cinq fois par semaine en 1976.

Cette série est devenue un classique de la littérature LGBT, mais plus généralement un classique de la littérature feuilletonesque.

Dans les premiers épisodes de ce feuilleton local, Maupin décrivait l'arrivée à San Francisco d'une jeune femme candide, Mary Ann Singleton, partie de Cleveland en quête d'une vie plus animée. Après quelques jours seulement, Mary Ann emménageait dans un petit immeuble au 28, Barbary Lane, logée par une femme originale et amatrice de marijuana, Anna Madrigal : les trouvailles et le style d'Armistead Maupin attirèrent dès lors sur ses chroniques san-franciscaines un succès toujours plus grand qui déborderait du cadre strictement local.
En 1978, les épisodes de son feuilleton furent compilés et publiés sous le titre de Tales of the City (titre français : Les Chroniques de San Francisco). D'autres tomes suivirent, entre 1980 et 1989, semblant conclure la série au terme du sixième opus. La traduction française en 1998 intervint à ce stade de la saga. Toutefois, Maupin relança l'écriture du cycle (soit 18 ans après le tome 6!), livrant trois nouveaux épisodes entre 2007 et 2014 (2008 à 2015 pour la publication française).

28, Barbary Lane
Seul le 1er tome s'intitule Chroniques de San Francisco mais par habitude ce titre désigne l'ensemble du cycle, à ce jour constitué de 9 tomes. La très grande popularité de cette série a attiré un public international au sein duquel on compte des inconditionnels, des fans, des groupies. Les amateurs de cette série savent immédiatement identifier à quoi se réfère le 28, Barbary Lane : il s'agit de l'adresse emblématique où ont vécu Anna Madrigal et ses pensionnaires. Cette maison (fictive) est le symbole de toutes les tolérances, de la fraternité et de la "famille logique".

La célébrité d'Armistead Maupin s'est donc construite sur l'écriture de cette série à succès, qui entraîne ses lecteurs dans le quotidien san-franciscain d'un groupe de personnages très attachants et liés entre eux par, justement, leur très grande diversité.


L'audace de l'auteur, consistant à introduire assez tôt dans sa série un personnage ouvertement gay, en pleines années 1970, donna une impulsion toute particulière à son oeuvre. L'imagination de Maupin se déploya alors librement et vint puiser sa ressource dans toute la bigarrure des populations de San Francisco, véritable vivier des différences de genre et d'identités affirmées, assumées, revendiquées, acceptées : hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, transsexuels...


Toutefois, Maupin n'est pas l'auteur des seules Chroniques de San Francisco. Bien qu'il soit associé à cette saga littéraire devenue un classique, Armistead Maupin a aussi publié, en dehors de sa série, Maybe the Moon et Une voix dans la nuit — dans un jeu d'intertextualités personnelles, ce roman fait d'ailleurs apparaître des personnages issus des Chroniques de San Francisco, mais il n'appartient pas au cycle à proprement parler.


Voir mon billet du 19 septembre 2015 consacré à la sortie française du tome 9, et dans lequel je revenais sur les trois grands volets de la saga, sur l'évolution du style et de ses enjeux. En effet, en presque 40 ans, les Chroniques de San Francisco ont connu des changements de narration, d'humour, de thématique et de focalisation.  L'écriture a suivi le temps réel et s'est empreinte des préoccupations de l'auteur, au fil des événements  et de sa vie personnelle.

Le 16 mai 2018 est parue l'autobiographie d'Armistead Maupin, Mon autre famille, que les éditions de l'Olivier présentent ainsi :

"Cette autobiographie n’est pas que le récit d’une lente acceptation de soi. C’est aussi l’exploration d’un demi-siècle d’histoire américaine, de la guerre du Vietnam à l’émergence des mouvements gays et lesbiens. Avec l’humour et le talent qu’on lui connait, Armistead Maupin fait revivre une ville en ébullition, et entrouvre la porte du cabinet d’écriture où sont nés le 28 Barbary Lane et Anna Madrigal. C’est une vie bigger than life, et c’est tout un roman."



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