Variations nothombales

Succès irrationnel, garland-club, défoulement psychique : variations autour de la publication annuelle d'Amélie Nothomb, qui parcourt comme chaque année les plateaux télé et radio.


En quelques années seulement, Amélie Nothomb est entrée dans le garland-club, ce groupe de célébrités féminines qui entretiennent qui caractère énigmatique, mystique ou vaporeux, volontiers fantaisiste ou marginal, non-conformiste, et qui acquièrent un quasi-statut d'icône auprès d'un public d'admirateurs durables, voire d'inconditionnels parfois compulsifs ou obsessionnels. Signe particulier du garland-club, où l'on peut classer les noms de Madonna, Lady Gaga, Cher, Mylène Farmer (et naturellement Judy Garland, la première d'entre elles toutes) : ces vedettes font mouche auprès d'une partie du public LGBT (Lesbien-Gay-Bi-Trans), et bien que la perception de ce succès ciblé soit intuitive, les raisons en restent toujours difficiles à élucider de manière rationnelle. Le plus simpliste serait d'expliquer ce lien par une forme d'identification qui s'opère, par des traits bien spécifiques de la personnalité de la star et qui font écho à des aspects bien spécifiques de l'histoire LGBT récente : une culture de la marginalité, involontaire ou délibérée, une forme de tourment intérieur, une propension à subir des critiques parfois violentes, une humeur pacifiste et bienveillante, une sympathie naturelle pour les minorités angoissées.  Notoirement, Amélie Nothomb réunit un certain nombre de fantaisies propres à séduire tout un public en quête de défoulement psychique. Ses apparitions sont guettées, commentées, adorées. Ses bons mots sont applaudis, ses formules acclamées.

Il est devenu ultra-commun de rappeler que chaque rentrée littéraire d'août - septembre voit inévitablement paraître un nouveau Nothomb depuis 1992, qui permet à l'auteure belge, fraîchement baronnisée, de parcourir les plateaux radio et télé et de distiller ses petits apophtegmes et ses maximes.

 

 

Consulter notre billet consacré au Crime du comte Neville, et notre classement 2015 des 24 publications d'Amélie Nothomb.

 

 

 


Impossible de compiler toutes les apparitions visuelles et auditives de Nothomb pour cette rentrée 2015 à l'occasion de son 24e opus, Le Crime du comte Neville, fable aux accents de tragédie grecque ouvertement inspirée du Crime de Lord Arthur Savile, d'Oscar Wilde. Quelques-unes, notables, permettront de dresser un premier tableau :

 

Ce 24e volume, élégant, loufoque mais malheureusement expédié dans ses deux dernières pages, se range parmi les agréables de Nothomb, avec sa Pétronille de 2014. Le titre et son inspiration revendiquée de Wilde permettront de se souvenir facilement du thème de l'intrigue, car certaines histoires de Nothomb glissent des mémoires. Mais son appartenance au garland-club la préserve de la disgrâce, et son nom sur la couverture lui garantit le succès éditorial. Frédéric Huet l'a compris, qui a inséré le nom de la romancière dans le titre de son propre livre, Ma vie ratée d'Amélie Nothomb (Anabet, 2009), roman en forme de journal intime dans lequel, justement, le narrateur se plaint des refus qu'il essuie auprès des maisons d'édition, et observe en se lamentant le succès de sa concurrente.

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